Fournir des services différemment

Moderniser la conception des services destinés aux Canadiens et les systèmes sous-jacents

Les difficultés du gouvernement fédéral pour que la technologie devienne une compétence essentielle, surtout quand elle sous-tend la prestation de services, ne sont pas un secret. L’écart entre les attentes des Canadiens et leur expérience des services fédéraux se creuse. Des systèmes et une infrastructure de TI vieillissants rendent difficile la mise en œuvre des changements de politiques, coûtent chaque année plus cher aux contribuables en matière d’entretien et de gestion des conséquences lorsqu’ils défaillent, et menacent de plus en plus la prestation de services essentiels au public.

Les principaux obstacles au changement de cette réalité ne sont pas technologiques. Il s’agit de notre réticence et de notre incapacité à revoir les modèles de service, les processus, les règles, les coûts irrécupérables et les structures organisationnelles en grande partie établis dans une ère analogique et à évolution plus lente. Les processus linéaires et rigides d’approbation des programmes, de modèles de services et de mise en œuvre de la TI sont devenus profondément enracinés; ils fonctionnaient bien avec les systèmes monolithiques d’ordinateurs centraux utilisés par les administrateurs de l’époque. Avec des systèmes et des services fonctionnels depuis de nombreuses années, mais progressivement sous-financés et mal entretenus, et avec des impératifs de changement et des besoins utilisateurs constamment écartés par d’autres contraintes (« l’urgent par rapport à l’important »), ni la technologie ni les pratiques n’ont évoluées vers la centricité de l’utilisateur, l’interopérabilité et l’itération rapide qui définissent le leadership numérique aujourd’hui. Le travail de « transformation numérique » consiste à moderniser la culture, les processus, les modèles opérationnels et les technologies du gouvernement afin de répondre aux besoins et aux attentes des Canadiens à l’ère d’Internet. Le plus difficile, ce n’est pas la technologie, c’est la façon dont nous faisons les choses au gouvernement.

Il n’y a pas de solution miracle à ce problème. Mais il existe une démarche de plus en plus éprouvée pour modifier la trajectoire de la transformation numérique du gouvernement du Canada (GC). Cela se manifeste dans divers pays. Leur expérience nous enseigne que les personnes qui ont un ensemble particulier de compétences et d’expériences dans la prestation de services modernes, et qui travaillent sur un ensemble précis de priorités à l’aide de méthodes différentes de celles auxquelles les grandes organisations publiques sont habituées ou avec lesquelles ces dernières sont à l’aise, peuvent avoir une incidence considérable et produire des résultats plus fiables qu’elles ne le pourraient à l’aide des approches traditionnelles. Les pratiques de prestation de services associées à cette démarche présentent trois avantages essentiels :

  • Elles peuvent être introduites progressivement, parallèlement à des approches en cours, à faible coût, puis intensifiées à mesure qu’elles portent leurs fruits (et gagnent des adeptes).

  • Elles sont conçues pour fournir tôt et fréquemment des services dont la qualité augmente progressivement, avec la participation continue de la population desservie par le gouvernement. Cela signifie que même s’il est très difficile et long de changer certains des fonctionnements fondamentaux du gouvernement, des progrès importants peuvent être réalisés et démontrés pendant ce temps.

  • Elles créent des modèles de service et des systèmes technologiques modernes qui sont adaptables, résilients et sûrs. Les efforts de stabilisation des systèmes existants, au besoin, sont essentiels à court terme. Mais pour échapper au cycle perpétuel de gestion de crises et de déception liées à la TI, les systèmes doivent être conçus et adaptés afin qu’ils ne deviennent pas de nouveaux problèmes hérités dans quelques années.

Le changement ne se produira pas du jour au lendemain, mais la proposition de valeur pour une approche très différente est claire : réduction importante du risque d’échec du projet; réduction des dépenses (éventuellement); capacité accrue de réagir rapidement aux initiatives et aux changements de politiques du gouvernement; remplacement progressif des anciens systèmes les plus susceptibles de défaillir et d’avoir des répercussions sur la vie des gens, y compris le remplacement immédiat des systèmes les plus à risque; et offre de services et de prestations plus faciles à utiliser, plus fiables et plus sûrs pour les Canadiens. Seuls des changements importants à l’approche actuelle en matière de technologie et de prestation de services au gouvernement permettront d’obtenir ces résultats et de veiller à ce que, dans plusieurs années, nous ne soyons pas simplement confrontés aux mêmes (ou à de pires) défis en ce qui concerne les anciens systèmes et les services qu’ils sous-tendent.

Pourquoi le statu quo ne fonctionne pas

Bien que certains qualifient la fonction publique de réfractaire à prendre des risques, il est plus exact (s’il s’agit d’une généralisation excessive) de dire qu’elle est réfractaire au changement. Les risques liés au statu quo, importants dans le monde numérique, sont souvent tolérés car perçus comme le « danger que nous connaissons », si tant est qu’ils sont pris en compte. Cela nous aide à comprendre les difficultés que nous avons continuellement à tirer des leçons des échecs majeurs de la TI. Nous n’avons pas encore changé, à grande échelle, la façon dont nous prenons des décisions en matière de technologie, la façon dont nous gérons la conception et la prestation des services ou la façon dont nous embauchons et achetons. Plus particulièrement :

  • Tenter l’impossible : Nous continuons d’investir dans des projets de TI complexes, à grande échelle et pluriannuels qui, nous le savons, échoueront presque certainement (une importante étude du Standish Group portant sur des milliers de projets de TI a révélé que seulement 6,4 % des projets de plus de 10 M$ ont fonctionné; 52 % ont dépassé le budget ou l’échéancier ou n’ont pas répondu aux attentes des utilisateurs; 41,4 % ont été abandonnés ou relancés);

  • Incitatifs de processus contre-productifs : Nous avons entretenu en grande partie des mécanismes de gouvernance et de surveillance (ironiquement destinés à nous prémunir contre l’échec des projets) qui, dans l’ensemble : incitent à faire de gros paris sur des solutions « de choc »; créent un blocage fondé sur une planification initiale, ce qui rend difficile l’adaptation aux commentaires et à l’apprentissage; renforcent les faux-fuyants relatifs aux coûts irrécupérables au lieu d’encourager les gens qui sont dans des trous profonds à « d’abord arrêter de creuser »; et accordent la priorité au respect de la conformité et au respect des étapes de projet plutôt qu’à la mesure et à l’amélioration des résultats pour les gens;

  • Ne pas savoir à quoi ressemble ce qui est bien : Nous demandons aux cadres supérieurs qui n’ont pas l’expertise requise de remettre en question, de superviser et d’orienter les décisions en matière de technologie, de conception de services et d’approvisionnement : il s’agit d’une raison pour laquelle les tableaux de bord trompeurs de type « tout va bien » et le « théâtre » de l’agilité et de la conception (c’est-à-dire se contenter de simplement jouer le jeu) continuent de s’épanouir;

  • Pratiques d’approvisionnement et de gestion des talents mal harmonisées : Nous dépensons environ six milliards de dollars en approvisionnement en TI chaque année, un pourcentage important allant à de grandes entreprises de TI déjà établies dont le facteur de différenciation est la capacité de « gagner » les ministères et leurs contrats en TI, et non pas un bilan de prestation de meilleurs services publics. Même lorsque ces entreprises ont investi dans des pratiques agiles, nos approches en matière d’approvisionnement ont tendance à empêcher leur utilisation. De plus, nous n’avons pas encore fait du gouvernement fédéral un employeur de choix pour la plupart des meilleurs professionnels du numérique.

À quoi ressemble ce qui est bien : changer notre façon d’offrir les services en fonction de méthodes éprouvées

Les gouvernements du monde entier ont réussi à avoir une influence réelle sur les citoyens et à réduire les dépenses en TI relativement rapidement (voir les exemples en annexe). Les pays et les entreprises qui obtiennent les meilleurs résultats ont changé leur façon de concevoir les services et de développer et d’acheter des logiciels de façon commune : à l’aide d’un ensemble de principes et de méthodes communément désignés comme « agiles ». Les gouvernements de tous les continents qui connaissent bien le numérique ont adopté les techniques que des entreprises comme Shopify, Google, Mozilla, Amazon et Slack utilisent pour concevoir des logiciels que nous utilisons tous les jours. Ces organisations :

  • Placent sans relâche les besoins des personnes qu’ils servent au-dessus de leurs propres contraintes et besoins institutionnels. Contrairement aux projets technologiques traditionnels, où les « besoins opérationnels » sont définis de façon rigide avant le début des travaux, les équipes de mise au point de produits agiles commencent par faire de la recherche auprès d’utilisateurs réels afin de comprendre leurs besoins et continuent de faire des essais à chaque étape de l’élaboration et de l’exploitation d’un service. Elles sont prêtes à jeter un regard neuf sur leurs modèles de service, et les politiques qui les sous-tendent, et à apporter des changements fondamentaux si ceux-ci procurent une valeur publique importante. Les équipes numériques sortent le gouvernement de la fameuse « tour d’ivoire » et construisent des services qui vont à la rencontre des gens là où ils sont. L’écart à combler a tendance à être plus grand au niveau fédéral. Il est difficile de faire passer les besoins des utilisateurs en premier dans la pratique; cela exige des changements qui comprennent le transfert des pouvoirs vers le personnel de première ligne et de mise en œuvre, loin des centres gouvernementaux et ministériels.

  • Utilisent l’itération et la modularité, et non la planification, pour atteindre des résultats à grande échelle : La taille du budget est un mauvais indicateur de l’importance et crée des incitatifs pervers. Des étapes plus petites et des approches modulaires et progressives permettent d’apprendre et de corriger le tir, et évitent de « dépendre » de certains fournisseurs.

  • Apportent de petits changements fréquents aux services et aux logiciels : Des entreprises comme Shopify et Amazon mettent à jour leurs services actifs des dizaines ou des centaines de fois par jour. La plupart des principaux services fédéraux sont mis à jour quelques fois par année. La fréquence élevée signifie que les améliorations atteignent les utilisateurs plus rapidement, créent moins de risques et sont plus faciles à annuler, et créent une boucle de rétroaction pour l’amélioration continue.

Le Canada n’a pas besoin d’être un cas exceptionnel. Les pays qui ont adopté avec succès des approches modernes de prestation de services couvrent un large éventail de tailles de population, d’économies, de situations géopolitiques et de types de gouvernement. Les facteurs de réussite communs sont les suivants :

  • Établir des priorités claires. Les plus hautes administrations n’ont pas essayé de tout faire en même temps. Elles ont établi des priorités, publiquement, pour concentrer les efforts et créer une reddition de comptes. Le Royaume-Uni et l’Ontario, par exemple, ont désigné un nombre limité de services hautement prioritaires à transformer.

  • Embaucher et perfectionner les compétences numériques, et faire confiance et donner les outils nécessaires aux équipes. Les pays qui obtiennent de meilleurs résultats pour leurs citoyens apportent au gouvernement l’expertise du secteur privé en matière de services numériques pour travailler main dans la main avec les fonctionnaires existants et les encadrer. De petites équipes polyvalentes et multidisciplinaires se consacrent aux services individuels, avec les outils, l’accès et la supervision dont elles ont besoin pour faire le travail. Ces équipes, et non des « projets » de TI distincts, deviennent le centre du financement gouvernemental pour la prestation de services.

  • Créer des « services de plateforme » centralisés qui donnent aux ministères des composantes toutes faites prêtes à l’emploi pour des besoins communs tels que l’ouverture de session, l’identité numérique, la notification, le paiement et la soumission de documents. Cela permet aux ministères de mettre sur pied des services qui aident les gens plus rapidement, d’offrir une expérience plus uniforme aux citoyens dans l’ensemble des services et d’éviter le dédoublement du travail dans l’ensemble du gouvernement. La plateforme Notify du Royaume-Uni a envoyé près de 600 millions de notifications aux utilisateurs de plus de 1 300 services, tandis que le Système de conception Web des États-Unis permet à des dizaines de millions d’Américains d’effectuer chaque mois des visites en ligne optimisées pour les appareils mobiles, accessibles et rapides.

  • Assurer le leadership des organismes centraux du gouvernement pour tout ce qui précède. Cela aide à dégager les voies nécessaires à la réussite des équipes, notamment en faisant passer les résultats pour le public avant la conformité aux règles, les silos et les processus existants qui sont souvent les causes profondes de l’échec continu, et en luttant contre les instincts incitant à trouver une solution tout de suite (p. ex. « nous avons besoin d’un portail »). Cela sous-tend également les changements nécessaires, et souvent difficiles, aux politiques, aux processus et aux pratiques qui facilitent la diffusion et l’expansion de la prestation moderne des services. Bien que certains changements ne soient pas fondés sur des règles formelles (p. ex. aborder les habitudes et les coutumes, les mythes, etc.), ceux qui touchent des domaines comme la façon dont le financement est accordé et administré, l’embauche et la rémunération, la protection des renseignements personnels et l’approvisionnement nécessiteront un soutien important de la part des cadres supérieurs.

Nous ne pouvons pas nous attendre à continuer d’appliquer les mêmes méthodes de travail qui ont mené à des échecs et à obtenir des résultats différents

Les efforts visant à « garder les lumières allumées » pour les systèmes vieillissants qui sous-tendent les services vitaux sont essentiels et multidimensionnels. Il peut s’agir d’apporter des correctifs aux systèmes avec des mises à jour, de prévenir les défaillances et d’y réagir, de mettre en œuvre des changements de politiques apportés par le gouvernement, etc. Pour les services de TI existants, tout cela est en concurrence avec le travail de modernisation.

Pire encore, la plupart des efforts visant à moderniser les grands services fédéraux, comme la délivrance des passeports et les programmes d’avantages sociaux, sont mis sur pied comme des « projets » distincts fondés en grande partie sur les mêmes approches qui ont contribué à leur détérioration, c’est-à-dire des plans complexes et coûteux qui ne permettent pas de changer de cap et qui renforcent la « dépendance » à des fournisseurs de TI établis à grande échelle et aux antécédents mixtes. La crainte de l’échec, exacerbée par les attentes des organismes centraux et des politiciens et par le spectre de vérifications et d’autres évaluations considérées comme attribuant des blâmes et ne fournissant pas de conseils, encourage cette structure et favorise une propriété et une gestion diffuses plutôt que claires. Le roulement ne fait qu’empirer les choses : les gens qui lancent ces plans quinquennaux et décennaux ne sont presque jamais là assez longtemps pour rendre compte de leur succès ou de leur échec.

Pour construire les systèmes de remplacement modernes des anciens systèmes et s’éloigner d’un cycle de défaillance de la TI, il faut créer un espace pour que la modernisation se fasse en même temps que la stabilisation, avec du temps et des ressources protégés, et il faut que ce soit fait par des équipes habilitées qui recourent à des pratiques modernes.

  • En procédant par étapes, c’est-à-dire en construisant de nouveaux services en éléments modulaires qui remplacent progressivement les composants du système, on atténue les risques pour les anciens systèmes au cours de ces efforts.

  • « Habiliter une équipe » n’est pas une tâche banale. Cela signifie qu’elle doit être à l’abri des structures traditionnelles de production de rapports et de surveillance, des mécanismes de financement et des enjeux de propriété dans l’ensemble des silos de la TI et des programmes. Il s’agit d’assurer l’accès à des experts en programmes et en TI possédant des connaissances organisationnelles, à des systèmes et à des données hérités, à une infrastructure et à des outils modernes (p. ex. l’infonuagique) et, surtout, aux utilisateurs d’un service. Et cela signifie accepter que l’équipe puisse conclure qu’aucune technologie ou conception ne peut entièrement simplifier la façon dont le public vit un ensemble complexe de politiques ou de prestations.

  • Les dirigeants politiques et les hauts dirigeants jouent un rôle essentiel dans cette protection et cet accès, notamment en veillant, dans la mesure du possible, à ce que les décisions stratégiques soient prises en tenant compte des répercussions de leur mise en œuvre sur les systèmes existants.

L’un des avantages des méthodes agiles est qu’elles produisent des résultats concrets tôt et souvent, et en favorisant le travail par étapes progressives, elles réduisent les risques et les coûts. Investir dans une nouvelle voie pour les services peut être relativement peu coûteux, et il est possible de tirer parti des ressources existantes mal déployées. La réorientation d’une infime partie des quelque six milliards de dollars en dépenses annuelles de TI qui sont principalement affectées à de grands projets de TI, statistiquement les plus susceptibles d’échouer, fournirait les ressources initiales nécessaires pour mettre sur pied des équipes multidisciplinaires et recruter des experts du numérique pour assumer un nombre limité de services prioritaires.

Premières étapes pour offrir de meilleurs services aux Canadiens

Pour commencer à apporter des améliorations aux services qui répondent aux attentes des Canadiens à court terme, tout en mettant en branle les changements nécessaires pour remplacer les anciens systèmes de façon durable et abordable, les étapes suivantes sont recommandées :

  • Établir la priorité d’une liste de services fédéraux en fonction de facteurs comme le volume des transactions, l’incidence sur la vie des gens, la possibilité d’aider les populations et les collectivités mal desservies et les engagements liés au mandat, et s’engager publiquement à les améliorer et à rendre compte ouvertement des progrès réalisés. Cela serait conforme à l’engagement d’établir « de nouveaux objectifs ambitieux pour s’assurer que les gens sont plus satisfaits du service qu’ils reçoivent du gouvernement ». Cette liste peut différer, du moins en partie, d’une autre liste importante, celle des systèmes de TI qui doivent être stabilisés à court terme, dont certains peuvent soutenir de multiples services (p. ex. le Système mondial de gestion des cas ou le SMGC).

  • Recruter, déployer et habiliter de petites équipes de professionnels ayant de l’expérience dans la prestation de services ailleurs pour travailler sur ces services prioritaires.

    • Charger ces équipes de communiquer directement avec les Canadiens pour comprendre leurs besoins et trouver le bon point de départ pour améliorer les services qui peuvent avoir la plus grande incidence sur le public, plutôt que d’essayer de tout améliorer en même temps.

    • Financer ces équipes initialement en tant que « couverture » pour le grand projet de TI correspondant déjà en cours, en réaffectant un très faible pourcentage des dépenses prévues, juste assez pour réserver environ 2 millions de dollars par an à une équipe pour sa première année.

    • Donner explicitement la permission de s’écarter des exigences de la politique administrative qui nuisent à la prestation efficace des services : exigences désuètes en matière de rapports sur la gestion de projet; pratiques d’approvisionnement qui bloquent l’utilisation de logiciels commerciaux comme service; processus d’autorisation de sécurité qui durent des années; et des restrictions non législatives sur le partage de données.

    • Dûment habilitées — rendant compte à un seul responsable du service (aucun service dirigé par un comité), ayant un accès rapide et efficace aux utilisateurs du service, aux systèmes, aux données et aux connaissances institutionnelles, et étant protégées de la gouvernance traditionnelle de la TI —, ces équipes peuvent commencer à produire des résultats, y compris des prototypes fonctionnels, après des mois et non des années.

  • Un petit montant de financement pourrait également être utilisé pour charger une poignée d’équipes d’élaborer les composantes communes qui permettent à tous les ministères de mieux servir les Canadiens et de le faire de façon plus uniforme. L’expérience internationale montre que ces services de plateforme fonctionnent mieux lorsqu’ils sont adoptés volontairement par les ministères, parce qu’ils répondent à leurs besoins, et non pas lorsqu’ils leur sont imposés par des fournisseurs monopolistiques internes pour atteindre l’efficience par la conformité.

  • Mettre des experts dans la salle où les décisions sont prises. Qu’il s’agisse des chefs des services numériques aux tables des cadres supérieurs des ministères dans les grands ministères de services, ou des conseillers numériques pour les administrateurs généraux ou dans des rôles clés des organismes centraux, une poignée d’experts supplémentaires aiderait à remodeler la prise de décisions numériques au niveau fédéral. Ces experts peuvent porter des jugements fondés sur des données probantes et l’expérience pour éclairer les décisions concernant les services, les systèmes et les approvisionnements.

  • Privilégier les preuves de meilleurs résultats, et non les preuves du respect des exigences et des échéances du projet. Exiger des preuves concrètes de recherche et de mise à l’essai auprès des utilisateurs finaux et des paramètres axés sur les résultats pour toutes les nouvelles propositions de projet, y compris les propositions du Cabinet et du Conseil du Trésor.

  • Inciter directement l’industrie canadienne de la technologie de calibre mondial à contribuer au Canada en tant que nation numérique, et l’encourager à faire participer davantage les PME des florissantes industries de la conception et de la technologie au travail de prestation de services du gouvernement, afin de sortir de l’emprise de fournisseurs de TI du secteur public établis. L’Agence australienne de transformation numérique a lancé un marché d’approvisionnement pour les produits et services numériques qui a attribué 60 % de ses 500 millions de dollars australiens en contrats à des PME.

Prises ensemble, ces mesures sont un pas dans la bonne direction, non pas une panacée. Elles visent à introduire progressivement des méthodes modernes parallèlement aux pratiques existantes, méthodes qui peuvent être intensifiées à mesure qu’elles prennent de la vitesse et permettent d’obtenir de meilleurs résultats. Changer la façon dont le gouvernement finance, supervise et achète la technologie et les services exigera beaucoup de volonté et de persévérance. Même les équipes habilitées mènent souvent des batailles de quelques centimètres pour progresser. Et les gouvernements qui réussissent dans ce domaine ne sont pas à l’abri d’échecs, petits ou grands. Mais nous savons que maintenir le cap ne donnera pas de meilleurs ou de différents résultats. Si elle bénéficie d’un soutien clair et engagé de la part des dirigeants, l’introduction de talents expérimentés et de méthodes modernes permettra au gouvernement de mieux concevoir les services, et de mieux construire et acheter des technologies. Ces méthodes peuvent commencer à produire des résultats rapidement, mais surtout, elles feront en sorte que nous ne serons pas confrontés aux mêmes défis en matière de services et de technologie dans plusieurs années comme nous le sommes aujourd’hui.


Annexe : Exemples choisis de modernisation des services et de transformation numérique

  • Le Royaume-Uni a remanié le Carers Allowance Service, un programme de prestations d’aide sociale pour ceux qui s’occupent d’une personne ayant des besoins importants en matière de soins. Ils ont réduit de plus d’un tiers le temps nécessaire pour exécuter le service, réduit de 41 % les demandes inadmissibles et aidé le personnel à traiter 40 000 dossiers de plus par année.

  • La Californie a reconstruit son système de bons alimentaires, qui est passé d’un formulaire de demande comptant 100 questions exigeant 45 minutes à une expérience de 8 minutes sur un téléphone mobile. Plus de deux millions de Californiens étaient admissibles et ne réclamaient pas de prestations, et jusqu’à présent un million ont été desservis par GetCalFresh.

  • Le Royaume-Uni a mis en place des contrôles des dépenses en matière de TI en 2010, plafonnant les contrats de TI à 100 millions de livres sterling, imposant des durées maximales pour certains types de contrats et interdisant les renouvellements automatiques de contrats. Cela a permis d’économiser plus de 350 millions de livres sterling par année (630 millions de dollars canadiens).

  • Les États-Unis ont d’abord corrigé le désastreux site Web healthcare.gov (Obamacare), qui est tombé en panne immédiatement après son lancement, grâce à une douzaine d’experts qui ont pu réparer le service pour répondre à la demande des Américains cherchant à obtenir une protection en matière de santé en quelques mois.

  • L’Ontario a lancé un nouveau registre environnemental en ligne en quelques mois à peine, en utilisant une conception axée sur l’utilisateur et des méthodes de développement agiles. Le registre a fonctionné en version bêta publique pendant six mois, parallèlement au système précédent, avant que l’ancien système ne soit mis hors service en avril 2019.

  • La Nouvelle-Écosse a remanié ses renouvellements de plaques d’immatriculation en ligne après avoir mené des recherches approfondies auprès des utilisateurs. Il s’agissait notamment de rendre le service plus convivial et de permettre aux gens d’imprimer leur reçu en ligne et de l’utiliser comme confirmation d’immatriculation jusqu’à la réception de leurs autocollants de renouvellement par la poste.