Application d’une approche de couverture aux grands projets de TI du gouvernement

(« Optionalité », « bifurcation des investissements », « assurance flexible »)

Les grands projets de TI sont susceptibles d’échouer. Moins de 7 % des projets de TI de plus de 10 millions de dollars sont couronnés de succès. Les échecs sont souvent attribuables à des délais non respectés et à des budgets serrés. De façon plus fréquente — et plus préoccupante —, ces échecs peuvent aussi se traduire par la prestation d’un service qui n’aide pas les personnes auxquelles il était destiné.

Les processus de financement et de gestion de projets du gouvernement du Canada encouragent la création et la réalisation de grands projets de TI. De plus, des douzaines de grands projets de TI pluriannuels (100 millions de dollars et plus) sont en cours à tout moment à l’échelle du gouvernement fédéral. Leur réalisation constitue un risque permanent pour l’efficacité et la réputation du gouvernement.

L’application d’une approche de couverture est une façon d’introduire une option de rechange dans les grands projets de TI en cours; au lieu de miser sur une seule approche, une petite partie du financement du projet est consacrée à l’essai d’une autre méthode. Le montant consacré à l’approche de couverture (entre 1,5 million de dollars et 5 millions de dollars) est faible, comparativement au coût global du projet, et réduit le risque d’échec.

L’approche de couverture permet de mettre en place une autre équipe qui travaille en parallèle sur la prestation d’un service de qualité répondant aux besoins des utilisateurs et qui pourra prendre la relève si le projet échoue. De plus, en utilisant des techniques modernes de recherche en conception, l’équipe de couverture peut générer un grand nombre d’idées (issues de la recherche et du prototypage fondés sur les utilisateurs) qui peuvent être exploitées par l’équipe de projet principale, même si la décision prise est finalement de mettre fin à l’effort de couverture.

De l’investissement traditionnel en TI à la prestation de services moderne

  • Les grands investissements gouvernementaux en TI sont orientés selon une mentalité de projet, c’est-à-dire qu’on investit une somme fixe pour une période déterminée en vue d’obtenir un résultat défini et assuré dès le départ. Il y a un résultat final clair, après l’atteinte duquel le travail en cours prend fin, même si le résultat n’est pas significatif.

  • La prestation de services moderne rejette l’idée d’un état final, au profit de l’amélioration continue. L’accent est mis sur le financement opérationnel continu, le financement d’une équipe plutôt que d’un projet. Cette équipe est chargée d’obtenir des résultats fondés sur la recherche et, pour ce faire, cherche continuellement à améliorer le service dont elle a la responsabilité.

  • L’approche de couverture permet de faire le pont entre le modèle d’investissement traditionnel et la prestation de services moderne. Cette approche tient compte du fait que de nombreux grands projets sont déjà en cours et que de nouveaux projets pourraient voir le jour, et offre un moyen d’introduire des méthodes modernes pour le même service, à un niveau de risque et de coût peu élevés.

Provenance des fonds

Les fonds de couverture devraient être réattribués depuis l’enveloppe totale de financement de l’initiative (pour les initiatives qui comportent d’importantes composantes axées sur la TI). En réattribuant des fonds provenant directement de l’enveloppe de l’initiative, on s’assure que :

  • les fonds sont utilisés en lien avec l’objet de leur affectation (plutôt que de puiser dans des fonds excédentaires ailleurs au sein du ministère);
  • le travail de TI existant pour l’initiative est réalisé plus efficacement.

La plupart du temps, des fonds sont déjà affectés à la prestation de services efficace dans le système, mais ils sont mal répartis.

Utilisation des fonds

Le montant de couverture (variant entre 1,5 million de dollars et 5 millions de dollars par an et mis à l’échelle selon la taille du projet) devrait suffire à financer au moins une équipe de prestation de services multidisciplinaire.

Le financement de couverture doit couvrir les frais de dotation et d’exploitation de cette équipe. L’équipe est composée d’un chef de produit, de chercheurs en conception, de concepteurs, de développeurs et d’architectes techniques, ainsi que d’un analyste des politiques.

Ces postes devraient être attribués à des personnes talentueuses ayant une expérience récente de la prestation de services, que ce soit dans le secteur privé ou public. Lorsqu’on fait appel à des candidats de l’extérieur, les services internes qui sont responsables de l’embauche (p. ex. les RH et le personnel de la Sécurité) devraient avoir le mandat d’accorder la priorité à ces candidats, afin de pourvoir les postes de l’équipe le plus rapidement possible. Le recrutement devrait être effectué par des professionnels ayant une expérience de la gestion des talents numériques, et non comme une mesure de dotation ministérielle « habituelle ». L’équipe doit également inclure des personnes clés ayant une connaissance approfondie de l’espace de service existant, sélectionnées avec soin en consultation avec le chef de produit et intégrées à temps plein dans l’équipe.

Les résultats attendus sont les suivants :

  • Création d’une équipe multidisciplinaire, y compris l’embauche des titulaires des postes décrits ci-dessus.
  • Recherche axée sur la découverte sur l’espace problématique; la TI, les politiques et l’écosystème des processus existants; et (ce qui est le plus important) les besoins des utilisateurs finaux.
  • Mise au point de prototypes et de logiciels fonctionnels pouvant satisfaire aux objectifs de l’initiative (ou de la principale composante axée sur la TI) et mis à l’essai et utilisés par les utilisateurs finaux de façon progressive et dès que possible.

Ce travail se déroule parallèlement au travail de TI traditionnel pour l’initiative (p. ex., l’investissement continu dans la maintenance et la mise à niveau des systèmes existants).

Conditions d’habilitation

Le financement et la création d’une équipe de couverture ne produiront pas de résultats si l’équipe n’est pas en mesure de fonctionner dans un environnement propice et efficace. Cela comprend :

  • une libération des exigences traditionnelles en matière de gestion de projet et de rapports (énoncés de projet, documents relatifs aux exigences, plans de contrôle, comités d’examen de l’architecture, etc.);
  • un accès illimité aux données et aux systèmes existants;
  • une autonomie par rapport aux décisions relatives aux produits, aux déploiements et aux outils logiciels;
  • des locaux à bureaux et de l’équipement conçus pour un espace de travail moderne et collaboratif;
  • un accès direct et sans entrave aux utilisateurs du service, pour participer à la recherche et aux tests d’utilisabilité.

Le secrétaire du Conseil du Trésor et l’administrateur général du ministère responsable de l’initiative pourraient convenir de lever toutes les exigences de la politique et de production de rapports qui ne sont pas liées à des exigences juridiques particulières (par exemple, les obligations en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de la Loi sur les langues officielles et des normes d’accessibilité devront encore être respectées). Cela offrirait à l’équipe une marge de manœuvre maximale en ce qui concerne l’adoption de nouvelles façons de travailler et l’atteinte des résultats potentiels des investissements dans le service. En retour, l’équipe de couverture s’engagerait à produire des rapports publics fondés sur les résultats (adaptés à la nature du service) et à travailler ouvertement.

L’équipe de couverture devrait relever d’un seul cadre supérieur du service responsable qui serait en mesure de superviser de nouvelles méthodes de travail, de donner des conseils sur les priorités et d’éliminer les obstacles au besoin. Le cadre supérieur devrait avoir des contacts réguliers avec l’administrateur général et être exempté des comités de gouvernance traditionnels existants (conseils de gestion de projets, comités d’examen de la TI, etc.). Au lieu de cela, des évaluations du service par rapport aux normes numériques du gouvernement du Canada — menées par une équipe de prestation indépendante et distincte — seraient utilisées pour évaluer les progrès de l’équipe à la fin de chaque phase du projet.

Échéanciers et coûts

Le travail préparatoire à la mise en place d’une équipe de couverture prendrait de quatre à six mois à compter du moment où l’on décide d’opter pour une approche de couverture, en raison du temps requis pour le financement, le recrutement, la vérification de la sécurité et le démarrage d’une équipe. Cela comprend la fourniture de locaux à bureaux et des outils nécessaires à un environnement de travail efficace, décrit ci-dessus. Les coûts de ce travail préparatoire dépendraient des ressources ministérielles existantes et de la rapidité de l’embauche et de l’intégration, et se situeraient dans une fourchette de 150 000 $ à 300 000 $.

À la suite de ce travail préparatoire, un engagement sur une période de 12 mois (aussi peu que 1,5 million de dollars pour une petite équipe multidisciplinaire) laisse suffisamment de temps pour mettre à l’essai le modèle de couverture pour une initiative donnée. Cela comprend d’environ 2 à 4 mois de recherche axée sur la découverte et de 8 à 10 mois de prototypage, d’itération et de mise à l’échelle.

À la fin de cette période, la haute direction pourrait évaluer la valeur offerte par l’équipe (dans le contexte de l’initiative intégrale). Les options pour la suite comprendraient les suivantes :

  • le renouvellement du financement de couverture pour l’équipe multidisciplinaire;
  • la cessation du mandat de l’équipe de couverture, si elle n’apporte pas de valeur ajoutée ou si sa valeur peut être optimisée en intégrant ses leçons dans le projet initial;
  • la réduction des investissements traditionnels en TI au profit de l’approche multidisciplinaire.

Selon la portée de l’initiative, plus d’une équipe pourrait éventuellement être nécessaire. Les équipes subséquentes devraient être ajoutées seulement au besoin, en fonction de l’évaluation de la valeur apportée par l’équipe initiale.